NORBERT HILLAIRE AUX EDITIONS GILLETTA

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Cet ensemble de I-Phone-photographies, prises, comme leur nom l’indique, à partir d’un téléphone portable depuis l’intérieur d’une voiture en marche et agencées en diptyques et en triptyques, nous propose un itinéraire de réflexion approfondie sur la fuite du temps et les occurrences éphémères d’un monde paramétré par l’accroissement exponentiel de la vitesse et des nouvelles technologies. Ainsi, nos voitures, au-delà du balayage rythmé des essuie-glaces, ou nos téléphones mobiles, par la captation et la transmission instantanées d’images, sont devenues des mécaniques de vision façonnant notre perception du réel. A travers ces prises de vue en déplacement qui dégagent de façon saisissante la poésie de l’aléatoire, « il s’agit alors de se laisser (sur)prendre, à travers le mouvement et la vitesse asynchrones de ces divers mobiles, de laisser ce temps qui nous échappe s’ouvrir sur lui-même dans le prisme de ces appareils. Comme si la fameuse convergence des médias et la puissance de synchronisation mondiale des images et des opinions qui la soutient – et qui conduit à un écrasement du temps sous les formes du direct, du live, du temps réel – produisaient en retour, en une sorte d’effet boomerang qui est aussi un contrepoison, une formidable puissance de divergence artistique et esthétique, d’ouverture de l’œuvre d’art vers des régimes spatiotemporels infiniment divers1».

Lignes de fuite 13 - TGV rêverie - Norbert Hillaire

Lignes de fuite 13 - TGV rêverie - Norbert Hillaire


A la manière des enlumineurs du Moyen-âge, Norbert Hillaire souligne de rehauts d’or les lignes de fuites qui se dessinent entre intérieur et extérieur et donne à voir les trajectoires énergétiques qu’elles tracent. Il conduit ainsi notre regard, entre visible et invisible, point de vue objectif et subjectif, hasard et intentionnalité, à saisir le rapport qui s’établit entre « un temps extatique et arrêté et un temps des flux, de la mobilité et du mouvement perpétuels1 », un rapport entre lenteur et vitesse mis en exergue par la confrontation « d’une esthétique médiévale et d’une esthétique du Smartphone et de la mobilité1 »

Mais, par-delà la mise en perspective « du devenir pictural d’une certaine photographie dans l’art contemporain1 », les Photomobiles de Norbert Hillaire nous invitent à une méditation sur la place prépondérante occupée dans notre quotidien par ces petits appareils que sont les mobiles et ce qu’induisent dans nos comportements leur développement et les ajouts continuels, faits à leur fonction première de reliance auditive, de nouvelles ressources visuelles, au point de « contribuer à une étrange redéfinition des rapports entre image et société1 ». Pour le meilleur ou pour le pire ? En l’état, nul ne saurait le dire. Mais, dans nos sociétés où l’image et le signe participent plus que jamais des jeux de langage, au sens où l’entendait Jean-François Lyotard et où, comme l’affirmait Guy Debord, « le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images », certains événements récents – tels ceux qui portèrent à la une des médias le nom de Mohamed Mehra – nous incitent à nous interroger quant à l’effet de ces nouvelles technologies sur l’Homme d’aujourd’hui.

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